Prénom : Véronique Age : 45 ans Ville : VESOUL
Profession : infirmière Opérée à STRASBOURG en mars 2005

 

 

1993 j'ai 31 ans ; je suis une jeune maman comblée avec un jeune garçon de quelques mois en bonne forme et son papa que j'aime ; une seule ombre à ce tableau : je suis épileptique depuis l'âge de 2 ans à peine et en dépit de tous les médicaments que j'ai pu essayer, les absences ont toujours résisté. Une seule période de répit : celle de ma grossesse ; mais le soir de l'accouchement, c'était le retour, et la grande désillusion.
Le neurologue qui me suit depuis presque 20 ans m'annonce son départ ; je prends contact avec un autre neurologue, plus proche de mon domicile actuel ; il m'envoie réaliser une I.R.M. me voici rassurée : je n'ai pas de tumeur cérébrale, mais une sclérose de l'hippocampe gauche.

Je consulte le service de neurologie du C.H.U. de ma région ; le médecin qui me reçoit m'explique que la description d'une absence (je ne peux qu'expliquer que ce que je ressens et mon ami décrire ce qu'il peut observer si il assiste à une crise), reste trop abstraite : il faudrait que je sois hospitalisée plusieurs jours, voire semaines, en étant sous E.E.G. quasi permanent.
Je renonce car cela me parait bien difficile à organiser compte tenu du jeune âge de notre fils.

Mars 2002 j'en ai assez de tester ces nouvelles molécules qui m'assomment plus les unes que les autres ; devant mon neuro qui me suggère d'augmenter encore le dosage de mon traitement actuel, je dis non : j'ai l'impression de prendre un anesthésiant dès le matin et je dois ensuite assurer ma journée de travail, ça suffit !
Il me propose une nouvelle consultation au C.H.U. je retrouve le neurologue qui m'avait reçue 9 ans plus tôt ; il me dit « j'ai pensé à vous depuis notre première rencontre et je pense que la solution de la chirurgie pourrait être discutée » il me donne les coordonnée d'un autre C.H.U. avec lequel je dois prendre contact.

Mai 2002 premier rendez vous d'une longue série : nous rencontrons un neurologue très sympa qui regarde l'I.R.M., me questionne, m'explique qu'il lui est pour l'instant impossible de me dire si la chirurgie peut être une solution ; je devrai réaliser des enregistrements E.E.G. Les examens pré-op s'annoncent comme une course de fond.

Fin 2002 je rencontre un collègue du neurologue qui m'avait reçue ici en mai ; il me questionne sur mes traitements antérieurs ; la liste est déjà longue, mais je n'ai pas tout essayé, il me prescrit un autre traitement.

Février 2003 je passe 48h à l'hôpital pour des E.E.G mais je n'ai pas la chance d'avoir une crise ces jours là. Ma voisine est une dame alsacienne (je suis à Strasbourg) ; elle ne me dira pas un mot ; je n'ai pas apporté un poste de radio, ni pris un abonnement T.V. je trouve le temps interminable.

Avril 2003 consultation, bilan du traitement actuel qui ne me donne pas plus de résultat que les précédents ; les E.E.G. de février ne sont pas suffisants ; d'autres seront nécessaires pour observer des crises que l'on déclenche, si besoin en sevrant le patient. Ma mémoire le préoccupe : elle semble de bonne qualité ; effectivement, elle ne me trahit guère ; je viens de changer de travail ; je suis infirmière et j'ai quitté un établissement de 70 lits où j'étais presque toujours seule en qualité d'infirmière, pour un établissement de 105 lits où nous ne travaillons à 2 en même temps que ponctuellement. J'en suis encore à la période d'adaptation, mais j'ai l'impression que tous mes collègues ont connu ici les mêmes difficultés d'adaptation au cours des premiers mois de travail ; pas plus, pas moins.

Début août 2003 consultation vers un chirurgien. J'ai accepté de réaliser un bilan pour la fin de ce mois ; pour cela, il me posera, en plus des électrodes « traditionnelles », des sondes qui remontent dans la région de l'hippocampe permettant peut être une localisation plus précise du point de départ de mes crises.

28 août 2003 j'entre à l'hôpital pour ce bilan ; 2 journées en neurochirurgie où me sont posées les sondes puis je suis transférée dans le service des bilans ; le plateau technique est assez impressionnant dans des bâtiments qui paraissent vétustes. Le personnel est très sympa ; je me demande si j'aurai une voisine avec qui la conversation sera possible. Là commencent les enregistrements E.E.G. sur des journées entières, puis la nuit aussi.
Mon traitement a été réduit ; j'ai la chance de faire une absence durant une de ces séances d'enregistrement. Les infirmières qui sont autour de moi me pressent de questions pour évaluer mon temps de récupération ; stressant. Les médecins évoquent la solution d'un traitement par Gama knife, qui se réaliserait à Marseille ; moins lourde que la chirurgie, cette technique induit souvent, dans les mois qui la suivent, des crises généralisées le temps de la cicatrisation. Mon enthousiasme est très relatif.
Des tests auprès d'une psychologue viennent compléter ce séjour, ainsi qu'une I.R.M.
Je rencontre d'autres personnes qui comme moi vivent avec ce problème ; c'est la première fois que je peux en parler aussi librement avec des gens capables de comprendre : chacun gère sa propre situation. Pour moi, l'épilepsie n'a pas de conséquence professionnelle, mais faire le trajet pour aller travailler est presque dangereux et le traitement est inefficace. Pour ma voisine de chambre, l'épilepsie, même bien équilibrée aujourd'hui, lui a fait perdre sa place.
Je rentre à la maison le 11 septembre.

18 novembre 2003 nouvelle consultation ; les résultats des enregistrements ont été exploités et les sondes ont permis une localisation précise du point de départ de mes crises ; mais ma mémoire dérange. Peut-être envisagera-t-on un test de Wada, pour déterminer plus précisément le fonctionnement de ma mémoire, chez une droitière avec un foyer épileptique dans l'hémisphère gauche.

16 décembre je dois aller à Lyon pour un PET SCAN ; lever à 3h 30, départ à 4h 15 pour un rendez-vous à 7h 30. Et mon sommeil ?!

20 janvier 2004 nouveau rendez-vous à Lyon ; chaussées glissantes ; je suis épuisée.

24 février 2004 consultation à Strasbourg ; les résultats de Lyon ne leur sont pas encore parvenus ; le test de Wada n'est pas possible actuellement car il y a rupture de stock d'un produit anesthésiant qui ne se trouve pas sur le marché français ; j'ai l'impression d'avoir perdu ma journée.

08 avril 2004 je retourne à Strasbourg pour des tests de mémoire ; la séance dure environ 4 heures, sans interruption ; cela me semble assez ludique et me rappelle les tests d'orientation que j'ai pu faire au collège. Tout y passe : vocabulaire à partir d'une définition, définition à partir d'un mot, calcul mental, classement chronologique de certains évènements, mémoire visuelle de personnages, d'objets, mémoire des chiffres, liste de courses complètement hétéroclites.

09 avril je rappelle la personne qui a réalisé mes tests hier ; les résultats semblent tout à fait normaux.

01 juin 2004 nouvelle consultation ; ma mémoire est bien normale et c'est pour l'équipe médicale le principal problème puisque la chirurgie ne peut que l'altérer ; il faut évaluer le rapport bénéfice/risque, et la décision m'appartient ; je n'ai pas fait encore le test de Wada, mais il faut attendre encore un peu.

Été 2004 je reprends contact pour savoir si un rendez-vous est prévu pour ce test (cela demande 2 journées d'hôpital et je devrais m'organiser) ; mais le produit ne sera plus distribué. Le médecin me dit que cela n'est pas trop grave, que mon bilan sera fait sans ce test. Je commence à me demander si les médecins n'ont pas déjà décidé de ne pas prendre de risque, si je n'ai pas passé tout ce temps à l'hôpital pour rien, si je ne suis pas condamnée à continuer à vivre avec.
Téléphone du neurologue : pour lui et son équipe, je suis opérable. Je reste sans réponse, abasourdie par cette nouvelle; je lui demande si je peux le re-contacter le lendemain. Il faut que j'en parle à mon compagnon ; lui ne veut pas m'empêcher de tenter ma chance, même si son inquiétude est vive, mais l'inquiétude fait tellement partie de notre quotidien depuis si longtemps. Le lendemain, je rappelle ; je suis d'accord. Il souhaite quand même me rencontrer. J'y retourne le 05 octobre. Il me donne plus de détails sur le déroulement du séjour pour l'opération, la nécessité du repos après ; je lui demande si ma mémoire risque de faire beaucoup les frais de l'opération ; il ne peut me donner de réponse formelle ; les dégâts, s'il y en a, ne seront évalués qu'après ; certaines personnes récupèrent, au moins partiellement ; il faut de toute façon du temps.

Octobre 2004 je suis en formation professionnelle. Thème du stage : les problèmes de mémoire chez la personne âgée. Très intéressant, mais je réalise soudain à quel point ma mémoire me permet de gérer le quotidien, me facilite la vie ; et si cela venait à changer ?

Novembre 2004. Entretien de fin d'année avec ma directrice ; bilan de mon année de travail ; rien à redire ; elle me demande pourquoi je n'ai pas demandé de formation continue pour l'an prochain ; je lui explique alors mon problème, la probabilité d'une opération dans le premier semestre, et que je n'ose envisager une formation sans savoir si je serai en forme pour la suivre. J'apprécie sa compréhension.

22 décembre 2004 rencontre avec le chirurgien ; il répond à toutes mes questions, ce qui n'est pas entièrement rassurant : le risque zéro n'existe pas, même avec tous les examens préalablement réalisés ; je le sens très modeste, presque timide ; quand nous nous quittons, je lui demande de me faire connaître la date de l'opération dès que possible, pour pouvoir en avertir ma responsable au travail ; il m'invite à le rappeler si j'ai encore des questions qui me préoccupent.

29 décembre 2004 : un courrier arrive : je suis convoquée pour le 08 mars prochain.

Epilogue :
Opérée le 10 mars, sortie de l'hôpital le 21 mars ; reprise de mon travail le 02 juin ; le chirurgien a les félicitations de mon coiffeur tant son travail est bien fait. Les crises ont disparu ; à la mi-juin, je peux commencer à diminuer progressivement mon traitement.

Un seul regret : ne pas avoir eu cette solution plus tôt.
Un seul conseil : si la chirurgie peut être une solution pour vous, n'hésitez pas !

Véronique

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